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Julien Nigue Koudy - Les fistules obstétricales

La fistule obstétricale est une tragédie

Julien Nigue Koudy

La fistule obstétricale est une tragédie

La fistule obstétricale est une lésion qui survient à l’accouchement, principalement causée par un travail prolongé et difficile qui dure parfois plusieurs jours qui se passe sans intervention médicale appropriée. Ses effets sont dévastateurs et tragiques ; le bébé meurt dans la plupart des cas et la mère souffre d’une incontinence chronique. La pression continue de la tête de l’enfant sur les tissus mous de la vessie ou du rectum de la mère aboutit à la formation d’un trou, fistule qui empêche la mère de pouvoir contrôler l’écoulement de l’urine et ou de l’excrétion des matières fécales. Les femmes frappées par cette tragédie sont souvent abandonnées et rejetées. L’odeur qu’elle dégage étant insupportable par le mari et les autres membres de la famille malgré l’attachement et l’affection qu’ils ont pour ces femmes. Dans de nombreuses communautés, les femmes atteintes de cette maladie sont considérées comme impures et condamnées à vivre seules. Sans traitement, elles ne peuvent guère espérer retrouver une vie familiale et sociale normale.

Du fait de son apparition et de son développement fréquents chez les adolescentes la fistule reste là encore une menace et une tragédie pour ces jeunes filles qui sont susceptibles de développer des complications à l’accouchement, du fait de leur accès limité aux services de santé.

Ces jeunes filles qui croyaient en un avenir heureux se trouvent soudainement marginalisées vivent et supportent seules leurs souffrances.

Je voudrais à travers ces quelques lignes montrer la conception du bonheur dans l'Afrique traditionnelle étant entendu que, la plupart des femmes atteintes de fistule viennent de ces régions ou la tradition Africaine trouvent a encore ces lettres de noblesses, et ou la culture régit la vie de ces populations.

De la conception du bonheur en Afrique traditionnelle

En effet, dans cette Afrique là le bonheur s'articule autour de deux éléments fondamentaux à savoir; la communauté villageoise et le rattachement au divin.
Toute leur vie, homme, femme, enfant, et vieux s'efforcent à vivre en harmonie avec ces deux réalités omniprésentes dans les faits et gestes.
La société elle même sont des structures groupées ou familiales qui entretiennent des relations d'inter dépendance. Les familles sont désignées par les patriarches qui sont leurs chefs à tous les niveaux. Au plan spirituel, ils sont les témoins des générations passées et présentes. Ils incarnent la courroie de transmission entre ces deux mondes. Ils interrogent les aïeux ou ancêtres et leur rendent compte des faits et situations de la famille dont ils ont la charge. Ils demandent leur bénédiction et protection sur les enfants.
Aux niveaux de la communauté villageoise ou même régionale, ils répondent des faits et actes de leurs progénitures devant les autorités villageoises.
Dans cette configuration à priori dominée par l'homme, la femme apparaît comme gardienne de la tradition. C'est elle, qui assure la pérennité de la famille et du village, c'est elle qui éduque et veille sur les enfants. Elle organise la famille et maintien les liens sociaux.
Plus une famille est grande, et plus le bonheur est grand.
De cette analyse ressort l'importance des composantes essentielles de la communauté: le divin, le patriarche, et la femme qui sont en définitif complémentaires.
Dès lors, qu'est - ce- qu'une malédiction ou une souillure?
Dans la conception du sacré, la malédiction et la souillure sont à l'origine définies comme un manquement, une désobéissance à un interdit.
Cependant la malédiction qui est une action, ou processus ( action, fait de maudire ou d'être maudit) est déclenchée par une colère du divin et les résultats sont catastrophiques et néfastes pour l'individu. La malédiction en définitif est une punition de dieu.
La souillure quant à elle est physique. Braver un interdit souille. La souillure étant définit comme une salissure, comme une tâche.
Dans les deux cas, malédiction et souillure sont des punitions pour éprouver l'individu qui a bravé un interdit. Elles renferment des notions de réparation ou de mort.
Quelles sont alors les conséquences de telles conceptions sur la vie en communauté?
L'exemple de la fistule le montre bien. L'impuissance devant des réalités ou évènements sont immédiatement imputés à dieu. Et dans le cas de la fistule obstétricale, ces femmes sont frappées de malédiction parce qu'elles ont posé des actes offensant dieu, ou qu'elles sont souillées parce qu'elles ont bravé un interdit. Et dans tous les cas, leurs maladies sont le signe qu'elles ont vécues en dehors de toute loi: les lois spirituelles et les lois humaines, leurs punitions et souffrance sont donc méritées.

La déchirure sociale

Ces femmes répudiées et rejettées sont des cas de déchirures sociales aussi importantes que le sont leurs soient disant atteintes à leur communauté.

  • Elles ont jeté la honte sur le patriarche, les membres de la famille, et leurs enfants,
  • Par leur soit disant comportement elles ont jeté la honte sur le village entier,
  • et enfin, n'ont pas respecté les prescription du divin.

Voilà, succinctement comment une femme atteinte de fistule peut ébranler toute une communauté. Dans ces conditions, la prise en charge de la fistule ne devrait pas simplement s'arrêter à une opération ou une guérison, mais plus tôt, dans un programme alliant sensibilisation et information, formation, opération chirurgicale, suivi post opératoire, rééducation physique, et réhabilitation qui en elle même est un programme incluant un suivi psychologique permettant de réintégrer ces femmes dans leurs cellules familiale et communautaire puis le développement de micros projets pour leur assurer une vie sociale, et une indépendance financière.

Cependant, au sein des villages mêmes, il faut aller vers les chefs de familles, les patriarches, les chefs de villages, les chefs religieux leur expliquer l'origine de cette maladie, ses causes et ses conséquences, pour d'une part décourager les mariages précoces, et les inciter à donner aux enfants et aux filles une éducation scolaire gage d'un épanouissement et d'un bien être social évidents.

Il faut aussi, dans cette politique responsabiliser les autorités politiques, administratives et les gouvernements dans une commune action d'information et de sensibilisation pour décourager les mariages et accouchement précoces, qui nécessitera une vulgarisation des pilules contre la grossesse.

Cependant la fistule obstétricale est une maladie guérissable et n'est donc pas une fatalité.