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Contraception et hémostase

C. Bernard, H. Bounameaux
Division d'angiologie et d'hémostase, Département de médecine interne - HUG

Hémostase

Définition

Ensemble des mécanismes assurant:

  • la prévention des saignements spontanés
  • l'arrêt des hémorragies

Physiologie

Brèche vasculaire
Hémostase primaire (plaquettes)
Coagulation sanguine (facteurs de la coagulation)
Fibrinolyse (cascade enzymatique)

Les anomalies de l'hémostase peuvent conduire à deux grands groupes de complications cliniques:

  • les complications thrombotiques
  • les complications hémorragiques

Ces anomalies peuvent être:

  • congénitales
  • acquises

Les traitements hormonaux et la grossesse induisent un certain nombre de modifications de l'hémostase qui vont dans le sens d'une hypercoagulabilité.

S'il existe déjà une prédisposition au développement de thromboses, consécutive par exemple à un déficit en inhibiteurs de la coagulation (protéines nécessaires au contrôle de la balance hémostatique) ou à la présence d'une résistance à la protéine C activée, ces modifications vont multiplier le risque thrombotique.

Avant toute prescription d'une contraception hormonale chez une jeune femme, il faut évaluer son risque thrombotique:

i) antécédents personnels d'événement thrombo-embolique veineux (MTEV) ou artériels

ii) antécédents familiaux de maladie thromboembolique

iii) facteurs de risque thrombo-embolique:  tabagisme, excès pondéral

i) Antécédents personnels

Chez les patients jeunes ayant présenté un événement thrombo-embolique (associé ou non à un facteur favorisant tel qu'une intervention chirurgicale ou une immobilisation prolongée), une recherche d'une anomalie de l'hémostase est habituellement effectuée même en absence d'une anamnèse familiale positive.

Le bilan consiste en la recherche de:

  • une résistance à la protéine C activée (test utilisé-incidence-prévalence)
  • un déficit en antithrombine III (test utilisé-prévalence-incidence)
  • un déficit en protéine C (test utilisé-prévalence-incidence)
  • un déficit en protéine S (test utilisé-prévalence-incidence)
  • et plus rarement une anomalie de la fibrinolyse (test utilisé-prévalence-incidence)

ii) Antécédents familiaux

Lorsqu'un déficit congénital est présent dans une famille, il est généralement transmis sous forme autosomale dominante et affecte les membres sur plusieurs générations de manière variable (présence de facteurs protecteurs ?  facteurs favorisants associés ?)

iii) Autres facteurs de risque thrombo-embolique

Une diminution de la capacité fibrinolytique a été observée chez les personnes ayant un excès pondéral.

Le tabagisme représente également un facteur de risque thrombo-embolique.

Contraception hormonale: facteur de risque thrombo-embolique?

La prise de contraceptifs oraux multiplie le risque de MTEV par un facteur de 3 à 4 par rapport à une population contrôle présentant une incidence d'environ 3/100000 patientes-années, ce qui donne un risque attribuable pouvant être considéré comme faible de 10 cas/100000 utilisatrices par an. Ce risque est restreint à la période d'utilisation et est indépendant de la durée d'utilisation. Il a été longtemps attribué à la composante oestrogénique de manière dose-dépendante. Un risque augmenté de MTEV (doublement) a été récemment associé à la prise de pilules contenant un progestatif de 3ème génération par rapport aux pilules contenant un progestatif de 2ème génération. Ce risque reste faible (20 cas/100000 utilisatrices par an).

Quelle contraception pour quelle patiente?

i) Patiente avec anamnèse personnelle ou familiale positive:

  • éviter la prescription d'une contraception hormonale
  • si une contraception hormonale doit être prescrite, préférer une pilule de type progestatif seul dépourvue d'effet sur l'antithrombine III

ii) patiente avec une anomalie connue de l'hémostase:

  • préférer une contraception non hormonale (attitude renforcée si la patiente a déjà présenté une complication thrombo-embolique)

iii) Patiente asymptomatique avec facteurs de risque additionnels de MTEV (tabac, excès pondéral)

  • prescrire de préférence une pilule contenant un progestatif de 2ème génération

iv) Patiente plus âgée (40 ans et plus):

En absence de facteur de risque additionnel de MTEV et surtout s'il existe également des facteurs de risque cardio-vasculaires artériels (à l'exception du tabagisme), une pilule avec un progestatif de 3ème génération devrait être préférée étant donné la possible diminution de ce risque artériel.

Si la patiente est tabagique, une contraception non-hormonale (stérilet ?) devrait être préférée.

Attitude chez une patiente sous CO qui présente un accident thrombo-embolique veineux ou artériel

  • Contacter le consultant d'angio-hémostase pour discuter du type et de l'intensité de l'anticoagulation.
  • Arrêt immédiat de la CO.
  • Effectuer un bilan de l'hémostase (dosage de l'ATIII, des protéines C et S, recherche d'une résistance à la protéine C activée) personnel et familial si nécessaire.
  • Discuter avec le consultant d'hémostase d'une anticoagulation au long cours ou préventive selon les résultats du bilan
  • Evaluer les alternatives à une CO.

Risque du traitement hormonal substitutif de la ménopause

La substitution hormonale de la ménopause diminue d'environ 50% le risque de maladie cardio-vasculaire artérielle.
Deux études épidémiologiques récentes font état d'un risque relatif d'événements thrombo-emboliques veineux de 3.5 chez les femmes sous substitution hormonale.
Une étude prospective rapporte un risque relatif d'embolie pulmonaire de 2.1.
Dans l'ensemble, le risque absolu de MTEV apparaît comme très faible (environ 16 cas pour 100000 utilisatrices par an) et doit être évalué en fonction des bénéfices attendus d'un tel traitement (amélioration des symptômes de carence oestrogénique, avantages sur la masse osseuse).
Une anamnèse de MTEV ne contre-indique donc pas de manière absolue une substitution hormonale, ceci d'autant plus s'il existe des facteurs de risque additionnels de maladie cardio-vasculaire artérielle (exception faites des mois qui suivent un événement thrombo-embolique veineux).
Pour chaque patiente une évaluation attentive doit être faite du rapport risque-bénéfice.