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Fra Fiorenzo - Hôpital St. Jean de Dieu - Tanguiéta, Bénin

Historique de la Pédiatrie de l’Hôpital de Tanguiéta - Bénin

Frère Florent Dr. G.B. Priuli

Elle vient de s’accomplir, la 20ème année de la pédiatrie de l’hôpital Saint Jean de Dieu de Tanguiéta.
Cette pédiatrie est la conclusion d’une histoire très particulière qui entre dans la collection de nombreuses histoires de la Providence vis-à-vis de la population de l’Atacora à travers l’hôpital Saint Jean de Dieu de Tanguiéta.

Quand je quittais l’Europe pour venir en Mission le 25 septembre 1969, ma destination était celle de la communauté de Tanguiéta, mais arrivé à Lomé, à Afagnan, le délégué provincial de ce temps, le P. Onorio Tosini, m’avait demandé de rester quelques mois à Afagnan car l’hôpital de Tanguiéta n’était pas encore terminé. Sa construction devrait finir plusieurs mois plus tard. C’est ainsi que je connus Tanguiéta seulement parce qu’on m’a accordé de la visiter en 1970, peu après l’inauguration.

Cet hôpital avait 82 lits rapidement réduits à une soixantaine car ils étaient la plus part du temps non utilisés, au fait que les gens de la région n’étaient pas habitués à se rendre dans un hôpital. Donc, ça faisait honte de voir tant de lits vides…

Cet hôpital est devenu ‘’mon hôpital’’ à partir des années 75 pendant que je fréquentais en même temps l’école de médecine en faisant des voyages aller-retour en Afrique. Mais officiellement c’est en 1979, une fois devenu médecin, qu’on me confia la responsabilité de cette œuvre et c’était le mois d’Août. Il n’y avait pas beaucoup de malades mais les journées étaient bien remplies. Un fait m’avait frappé : c’est que, malgré la multitude d’enfants qui remplissaient les villages et les rues, à l’hôpital il n’y avait presque aucun hospitalisé, ce qui justifie très bien la non-existence d’une pédiatrie en tant que telle ; il y avait seulement une chambre dans le pavillon-femmes avec 8 berceaux très souvent libres.

En arrivant de l’Italie j’avais amené une petite ambulance Renault (R4 Furgonette) pour pouvoir assurer le transport des malades graves des villages à l’hôpital ; c’était le fruit d’une collecte réalisé par un groupe de fiancés qui suivait un cours en préparation au mariage dans la ville de Meda, pas très loin de Milan. Cette ambulance nous rendait de très bons services.

Mais un matin avant la fin du mois d’octobre 79, les pluies cessèrent brusquement. Aussitôt, d’une façon presque foudroyante, la rougeole se mit à sévir dans notre région et déjà les trois premiers jours de novembre le nombre de malades était élevé et la mortalité était très forte.
Les 8 lits de la pédiatrie au pavillon femmes avaient été remplis et on avait occupé tous les lits de la Clinique. La Sœur Ursula qui était la supérieure et la responsable de la Maternité et de la ‘’Pédiatrie’’ de ce temps, un soir, me dit : ‘’Florent, je ne sais plus comment faire. On a plus de 25 enfants hospitalisés’’. Or, on n’avait jamais atteint dix !

Une nuit que je venais de perdre de nombreux enfants à cause de la rougeole j’étais rentré vers 2 heures du matin très découragé. Je me rappelle qu’avant de me coucher j’avais pris une carte et j’avais écrit dessus : « Don Roberto, (c’est le nom du prêtre qui coordonnait le groupe de fiancés), l’année passée vous m’aviez aidé à trouver une ambulance, maintenant je vous prie de commencer à récolter un peu d’argent pour qu’on puisse construire une pédiatrie parce que mes enfants ici meurent comme des mouches ! » .

Une occasion particulière fit que cette carte arriva à Meda (Italie), le 9 novembre matin. Ce même 9 novembre, Don Roberto recevait la visite d’un papa, un patron de l’industrie du meuble de la région qui venait le voir pour lui demander de dire une messe pour le repos de l’âme de son unique garçon que juste un an auparavant avait été Kidnappé par les Brigades Rouges et ensuite tué et brûlé. En plus de la messe, ce papa demandait aussi de lui donner à lui et à son épouse une idée pour faire quelque chose afin que la mort de leur fils Paolo ne soit pas vaine. C’est en ce moment que Don Roberto sortit la carte qu’il venait de recevoir en lui disant : « Carluccio, je pense que je viens de recevoir ce que tu cherches » et il lui tendit la carte. Aussitôt dit, aussitôt fût clair que la réponse était là. Il y avait un doigt de Dieu qui montrait comment transformer une souffrance incomparable en un acte de bienfait.

Aussitôt, je reçus à Tanguiéta un télex qui me disait de rentrer immédiatement parce qu’on avait trouvé qui allait nous construire la pédiatrie. En réalité, ce ne fût pas possible parce qu’en ce moment j’étais seul. J’avais juste un couple de volontaires italiens qui m’aidaient mais le nombre de malades était tellement grand qu’il n’était pas pensable de quitter l’hôpital en ce moment.

En effet, l’épidémie cette année-là a continué jusqu’au mois d’avril quand il arriva une grande pluie et enfin l’épidémie s’estompa ; mais d’octobre à avril dans notre région, celle qu’on appelait alors les 5 Districts, comprenant Tanguiéta, Matéri, Cobly, Toukountouna et Boukombé, il y a plus de 5000 enfants et jeunes gens qui sont décédés de la rougeole. Autour des villages on ne faisait qu’ensevelir, ensevelir et ensevelir. Pendant cette période, les Missionnaires de la région, presque tous de la Société des Missions Africaines de Lyon, avaient un véhicule 2 CV. Ils n’ont fait que transporter des malades et des cadavres.

Je me rappelle du vieux Père Nicolas Mouterde qu’un jour il venait d’arriver à l’hôpital pour la 5ème fois. Il venait de très loin plus de 60 km par un sentier qu’on ne peut même pas appeler piste ; en arrivant, il nous avait apporté cinq enfants et il nous disait qu’il avait enterré deux en route et il fallait qu’il retourne pour chercher dans un autre village des enfants graves et nous qui étions tout le temps pris, nous lui avons chargé la voiture des cadavres à ramener au village et c’est au moment de partir qu’on s’est rappelé qu’il serait bon qu’on lui offre au moins à boire et en l’arrêtant on se mit à pleurer ensemble.

Je me souviens aussi d’un papa qui avait deux femmes et douze enfants ; il en avait perdu dix au village et une des femmes. Il est arrivé à l’hôpital avec les deux enfants qui lui restaient et avec la jeune femme qui les accompagnait mais ils étaient tellement graves que dans les trois jours suivants les deux enfants et la jeune femme, malgré nos soins, sont morts… Cet homme se cassait la tête contre le mur en disant qu’il ne pouvait pas retourner au village…

C’est ainsi que la région s’était dépeuplée d’enfants, mais c’est ainsi aussi que les gens ont fini par connaître les bienfaits de l’hôpital. C’est vraiment dommage qu’il faille attendre un si grand malheur pour que les gens connaissent la route de l’hôpital.

En réalité, beaucoup de familles voyant qu’ils restaient sans enfants, couraient à l’hôpital pour sauver un ou deux qui leur restaient et cela après avoir enterré les autres. Elles ses sont rendues compte qu’au fond c’est à l’hôpital seulement qu’on arrive à sauver quelques enfants. Alors, elles ont commencé à croire qu’effectivement aller à l’hôpital c’est bon, ça fait du bien. Ça sauve la vie…

C’est à la suite de cette terrible épidémie qu’on a fait recours à tous les moyens et sollicité la collaboration de toutes les bonnes volontés. L’Association Cooperazione Internationale de Milano (Italie) avec ses volontaires et avec des financements modestes mais bien mis à profit, la présence et l’efficacité du Dr. Michel Queré, la politique sanitaire du Bénin ont permis de mettre en route des grandes campagnes de vaccination et de doter la région de nombreux dispensaires. Le résultat est qu’aujourd’hui de telles épidémies ont presque disparu et , en tout cas quand elles surviennent elles sont d’une gravité infiniment moindre .

Mais, pour revenir à notre pédiatrie, qu’est-ce qui s’est passé ? Une fois terminée la grande épidémie, j’avais pu obtenir quelqu’un qui me remplaçait. Je suis rentré en Italie et aussitôt je suis allé pour rencontrer Carluccio Giorgetti, cet industriel du meuble qui nous avait promis la pédiatrie et qui affirmait être prêt ; il me demanda un devis que j’avais déjà établi. J’avais fait en ce temps-là un devis pour 34 lits avec les services nécessaires mais le coût de réalisation de ces services était assez élevé. Une fois que je l’ai rencontré, (je me rappelle que j’était avec le Fr. Raimondo Fabello, qui était Provincial), il me dit qu’il veut bien nous aider mais que ce que je lui demande n’était pas à sa portée.

Comme il voyait qu’il ne pouvait pas nous aider, il nous promet de nous acheter du lait, du riz, des aliments, des médicaments… pour atteindre le chiffre qu’il pouvait mettre à notre disposition. Je me rappelle bien qu’il s’agissait à peu près d’environ 140 millions de lires… et c’était en 1980 !

Du coup je n’étais pas d’accord car c’était la pédiatrie qui était indispensable après tout ce qu’on avait vécu. D’autre part, lui, en tant qu’industriel, homme d’affaires, il disait « qui peut quatre, donne quatre. Si vous n’avez pas d’argent pour finir le bâtiment vous bâtirez la pédiatrie jusqu’à la moitié. Les épines et les ronces pousseront dedans et moi, j’aurais jeté mon argent : je vais vous donner l’argent pour du riz, du lait et des médicaments ».
Et j’insistais en disant que c’était la pédiatrie qu’il faut, lui, il n’a qu’à mettre ce qu’il désire, la Providence fera le reste. Au bout de 2 heures on en était au même point. Mais le monsieur avait du travail à faire et il me dit clairement : « Florent, tu sais, pour moi le temps est ‘dine’, c’est-à-dire, ‘c’est de l’argent’, je ne peux pas perdre mon temps comme ça. Ou tu prends ou tu laisses », et moi « non, je ne peux pas laisser, il faut que vous me faites confiance ! on trouvera le nécessaire ! ».

A la fin, pour ne pas perdre plus de temps il me dit : « D’accord, je te donnerai cet argent et on fera la pédiatrie », mais il ne m’avait rien donné et je suis resté là, assis… Il me dit : « Alors, qu’est-ce que tu attends ? » « J’ai besoin d’argent pour commencer les travaux ». « Tu veux l’argent maintenant ? » « Oui, j’ai l’avion après-demain et on doit acheter le camion au Nigéria et commencer à acheter les matériaux ».

Le type a commencé à se gratter la tête et, regardant dans son tiroir et il me dit : « Je n’ai pas même le carnet de chèques ». Je ne répondis mot. Il téléphone alors à son épouse Augusta et lui dit : « Augusta, j’ai ici quelqu’un qui est plus dur que moi. Ecoute, apporte-moi le carnet de chèques car il veut de l’argent tout de suite. » Puis, il me demanda : « Combien veux-tu ? « J’ai besoin de 14 millions de lires (j’avais fait le calcul) ». « Ah, bon ! »
En tout cas il n’avait pas le choix : ou perdre son temps ou me donner les 14 millions. Ce qu’il fit à l’arrivée de son épouse et deux jours après j’étais en Afrique avec mes sous et on commença les démarches pour acheter vite le ‘Toyota’ au Nigéria.

Quelques temps après, en bon industriel qui ne voulait pas investir mal son argent, le mois de février suivant, Carluccio Giorgetti et son épouse arrivèrent à Tanguiéta pour voir qu’est-ce qu’il en était.

Avant de nous donner plus, je crois qu’ils voulaient savoir si cela valait la peine et ils ont été pris au piège. En effet, pendant les quatre ou cinq jours qu’ils ont faits ici, on les a conduits à Nagnebou où la population avait ramassé des pierres de la montagne pour qu’on puisse couler les fondations de la pédiatrie qui était déjà parfaitement creusées et bien taillées dans la terre sèche du temps de la chaleur. Ils avaient exprimé le désir de nous accompagner pour découvrir la région.

Quand on arriva, la population était là, frère Taddeo, moi, les novices étaient avec nous, le frère Benoît, frère Olivier etc. On se mit à aider les gens à charger le camion de cailloux et eux qui, peut-être, n’avaient touché un caillou de leur vie, pour ne pas avoir honte, ils se sont mis à recueillir de temps en temps quelques pierres. Quand j’étais avec Mr. Carluccio on parlait de différentes choses et il me dit : « Florent, regarde Augusta (son épouse), c’est la première fois que je la vois si heureuse après la mort de Paolo. Peu de temps après j’étais en train d’aider Augusta à charger et elle me dit : « Florent, regarde, c’est la première fois que je vois Carluccio heureux depuis que Paolo nous a quittés ».

C’est ainsi que le soir, tard dans la nuit, avant de se coucher car le lendemain ils prenaient la route, Carluccio et Augusta m’ont appelé et m’ont dit : « Florent, nous te demandons de nous excuser pour t’avoir fait de la peine à ne pas croire à ce que tu nous disais ; maintenant nous te garantissons que même s’il faut aller voler, la pédiatrie se réalisera,… et cette promesse fut tenue.

Aussitôt il y eut une souscription sur la revue FBF de la province Lombardo-Veneta qu’on avait appelé « Une brique pour la pédiatrie de Tanguiéta » et on avait donné une valeur, je crois de 2 500 lires la brique et cette souscription obtint beaucoup de faveur. En même temps Carluccio qui rentrait dans son usine, avait commencé à raconter aux gens ce qu’il avait vécu et ce qu’il avait vu de ses yeux. Aussitôt les nombreux représentants de son usine lui dirent que durant 2 ans ils renonçaient à leurs intérêts sur la vente afin d’aider Carluccio Giorgetti à faire sa part pour la construction de la pédiatrie. Cela a été une chaîne de solidarité splendide qui a fait que la pédiatrie, jour pour jour, devenait une réalité.

Quand arriva la saison sèche, entre 1980-1981, une épidémie de méningite s’était abattue sur notre région. La construction de la pédiatrie n’était pas encore achevée. Un jour on accueillit 178 malades de méningite. Alors on se rendit compte qu’à l’allure où vont les choses, la pédiatrie de 30 – 40 lits était trop restreinte, étant donné que la population avait appris le chemin de l’hôpital.
On était en train de construire les latrines et les douches de la pédiatrie. Nous avons pratiquement effacé cette petite construction et nous avons aussitôt démarré la construction d’un bâtiment, afin d’avoir, à part le bâtiment pour l’orthopédie. C’est pourquoi, aujourd’hui la pédiatrie est faite de deux services : un grand service de pédiatrie en générale et encore une vingtaine de lits à part pour les malades handicapés, ostéomyélites, les malades orthopédiques etc.

Plusieurs difficultés sont survenues, entre autres, le container qui portait le toit est resté bloqué à Légos pendant une année et c’est quand vraiment on désespérait de le récupérer que des amis de Meda-Africa qui faisaient des transports par voie navale au Nigéria, un beau jour, sont arrivés avec le container chargé avec un grand TIR tout neuf de la IVECO, ce qui nous permit d’achever la construction qui fut inaugurée en la fête de Saint Jean de Dieu de 1983.

Carluccio Giorgetti, Franco Cassina et d’autres amis étaient venus pour la circonstance. Le Ministre de la Santé et de nombreuses autorités de la ‘République Populaire du Bénin’ y étaient présentes.

Une plaquette commémorative recouverte par le drapeau du Bénin de la Révolution qui se prolongeait avec le blanc et le rouge du drapeau italien, fut découverte. Elle portait l’inscription : « PAOLO ET SES PARENTS AUX PETITS ENFANTS DU BENIN » (Paolo, c’est l’enfant qui avait été kidnappé et tué). Cette plaque est là encore aujourd’hui pour être un témoignage de la Providence divine et de la solidarité entre les hommes.

Depuis ce temps, cette pédiatrie est devenue l’ancre du salut pour des milliers et des milliers d’enfants ; elle est devenue l’espoir ultime de beaucoup de familles qui nous apportent le jour comme la nuit, des enfants mourants.

Bien que plusieurs d’entre eux arrivent souvent trop tard ou avec des maladies trop graves et succombent, des milliers d’enfants retournent et apportent la joie dans leurs familles. C’est ainsi que tout dernièrement, un jour que je me trouvais entrain de partager cette mémoire avec Augusta et Carluccio Giorgetti, avec lesquels existe désormais un lien tellement étroit qui fait que ce couple fait partie intégrante de la famille de l’hôpital de Tanguiéta, il m’a échappé de leur dire que « j’aurai la tentation de dire que ça été Providentiel que Paolo soit mort parce que de sa mort a surgit la vie pour des milliers d’enfants du Bénin et au-delà des frontières béninoises ».

Je vous assure que ce blasphème n’a pas offensé du tout les parents qui se sont mis à pleurer en mélangeant la joie et la tristesse. Ils reconnaissent que c’est la pédiatrie de Tanguiéta qui leur a redonné des motifs pour continuer à vivre et à lutter.

Tout dernièrement je leur ai rendu visite et encore aujourd’hui ils continuent à lutter, à sensibiliser pour que les enfants de cette région continuent à être bien soignés, à avoir une belle pédiatrie pour que la mort de Paolo ne soit pas vaine.

Ces évènements, faits de tristesse et de joie ont entraîné des retombées favorables sur notre région et sur cet hôpital. Au moment où la pédiatrie venait de s’achever, tous ceux qui s’étaient emballés d’enthousiasme pour venir à notre secours, ont pensé qu’il ne fallait pas qu’un tel élan de générosité s’éteigne parce que la pédiatrie avait été réalisée, car ils savaient que ce n’était qu’un départ.

C’est ainsi que des personnes très proches de Carluccio Giorgetti, et je veux parler du Dr Franco Poggio, de l’architecte Benzoni, de l’ingénieur Franco Forni, des professeurs Penzzuoli et Damia, ont fini par donner naissance à la première Association de soutien aux œuvres missionnaires des Frères de Saint Jean de Dieu, dénommée « Amici Di Tanguieta ». Cette Association qui date maintenant de plus de 15 ans a multiplié ses amitiés envers l’hôpital et elle s’est lancée dans des aides orientées surtout à la formation du personnel médical et paramédical béninois et ensuite aussi togolais.

En effet, l’hôpital d’Afagnan au Togo où j’ai été muté en 1989, a aussi bénéficié de cet élan de générosité. D’ailleurs, les deux hôpitaux sont des jumeaux ou en tout cas des frères même père, même mère car fondés par la même Province et on peut dire unis par les mêmes communautés des frères de Saint Jean de Dieu. Au début, ces communautés étaient surtout composées de religieux Italiens et ensuite de plus en plus elles sont constituées par des frères africains qui assurent la relève.

Après l’Association des Amis de Tanguiéta est né l’Association « Uniti pour Afagnan et Tanguiéta », puis le « Groupe Solidarità Africa » et le « Groupe de Volontari Hospitalieri di Volta Mantovana. ». Plus tard est né le « Groupe des Amis d’Afagnan et de Tanguiéta » à Paris. Par ces groupes il y a de plus en plus des gens sensibles qui ont pu connaître le travail qui se fait et les services rendus à cette population.
Petit à petit on est arrivé même à un jumelage entre l’hôpital de Tanguiéta et l’hôpital régional de Delémont dans le Jura Suisse et entre l’hôpital de Porrentruy et celui d’Afagnan.

Tout cela a été bien sûr aussi le fruit de voyages, de rencontres et du peu de courrier que nous arrivons à faire dans cette maison. Cependant, je peux dire que tout à été l’œuvre de la Providence qui n’abandonne jamais ses pauvres enfants et qui ne déçoit jamais ceux qui lui font confiance.

Aujourd’hui, le petit hôpital de brousse qui comptait 60 à 80 lits, en compte bien plus que 200 et très souvent de nombreux, de très nombreux malades se trouvent par terre dans des nattes ou des matelas, dans les couloirs ou sous les vérandas, car il n’y a plus de places dans les chambres.

A l’heure actuelle, des dizaines de malades venus de partout, du Bénin, du Togo, du Nigeria, surtout du Burkina-Faso, du Niger et quelques fois, du Mali et de la Cote d’Ivoire, vivent dans le campement d’à côté ou sous les manguiers de la cour de l’hôpital, en attendant de trouver un lit pour pouvoir être opérés.
En effet, ceux qui sont graves sont toujours admis soit dans les lits, soit par terre. Mais ceux qui ne sont pas graves ont la malchance de devoir passer quelque fois plus de deux mois avant de trouver un lit pour pouvoir subir l’opération qu’ils attendent.

En somme, cette histoire de la Providence continue. Aujourd’hui, il est vrai, nous passons des moments très difficiles. Nous avons formé, à peu près 30 chirurgiens durant ces plus de 20 ans que je suis responsable de ces œuvres en tant que médecin-chef et voilà que presque tous, une fois appris le métier, ils trouvent facilement du travail dans des endroits plus proches de la capitale où à l’étranger. Alors ils nous quittent, sous prétexte que Tanguiéta est trop sauvage, que le climat est trop mauvais, qu’il n’y a pas le téléphone ou que le nombre de malades a augmenté tandis que et le nombre de soignants n’a pas évolué dans la même mesure…

La deuxième difficulté cruciale est que les aides économiques, à cause des difficultés existantes en Europe, ont trop baissé, surtout les aides qui venaient de nos confrères et qui étaient le fruit des économies des œuvres en Europe et de certains bienfaiteurs aussi.

Il se fait qu’aujourd’hui, il nous incombe de partir de nouveau à la quête d’une aide qui puisse nous permettre de continuer, au moins à rendre les mêmes services que nous avons rendus jusqu’à nos jours et nous n’en doutons pas que la Providence, encore une fois interviendra en notre faveur. Ce sont les pauvres qu’elle nous confit, ces gens qui souffrent, qui ont besoin de soins et pour lesquels nous avons accepté de donner notre vie. Nous sommes persuadés que dans la mesure où nous serons fidèles à notre vocation, la Providence ne nous fera jamais défaut.

Nous venons de lancer un appel à l’adoption d’un lit de notre hôpital à 15 Euros par jour. Nous avons l’espoir d’en trouver au moins 100 pour toute l’année, le reste nous essaierons de le trouver dans les participations des malades et auprès des personnes de bonne volonté qui, généreusement voudront nous épauler dans cette merveilleuse aventure de la charité sur les pas du Christ et de Saint Jean de Dieu !